Holà,
J’ai laissé cette carte postale de côté, il y a plus de 2 mois. Un rêve s’est réalisé… Et si tu me suis sur les réseaux, alors tu es déjà au courant : j’ai publié mon premier livre, Les dessous de la culotte, aux Éditions Les Insolentes.
Fin avril-début mai, j’ai vécu une promo du tonnerre à Paris avec ma petite sœur, Eloïse Gillard, illustratrice de l’ouvrage.
Je suis rentrée à la fois remplie… et vidée ! Une période étrange s’est installée à la suite de cette parenthèse folle, challengeante et tumultueuse. J’ai eu besoin de temps pour digérer, apprécier et prendre du recul sur ce tourbillon d’émotions folles et de “premières fois” grisantes.
Me revoilà, avec mes dernières réflexions du moment… Je te souhaite une bonne lecture ;-)
Et si créer, c’était réinventer son rapport à la vie… et à la mort ?
Ta créativité, ton auto-fiction
Quand j’étais petite, j’ai vécu deux décès de très jeunes personnes. J’ai été confrontée assez tôt à la mort injuste, injustifiée et injustifiable. Sur ce lit de cendres, une grande partie de mon histoire avec la créativité a pris racine.
Il s’agit de l’histoire que je me raconte à moi-même. Un storytelling que j’ai sûrement en partie (ré)inventé et qui m’aide à mettre du sens sur des sensations et une direction à mes élans. Toujours est-il que ces deux événements marquants ont existé. Et c’est là que j’ai internalisé que la créativité pouvait aussi réparer et permettre d’avancer. L’art et la création ont été un véhicule de sens et identitaire dans ce que j’ai pu observer autour de moi. Et, chaque fois que je découvre des formes d’art qui parlent de résilience, cela résonne très fort en moi et me touche profondément.
Cependant, je n’adhère absolument pas au mythe de l’artiste maudit ni du créateur torturé qui utilise l’effroi ou la souffrance comme matériau créatif. Je reste convaincue que l’amusement, la joie lumineuse, le plaisir, la spontanéité, le merveilleux et la surprise composent les principaux carburants de nos soubresauts créateurs en tant qu’humains. On ne pérennise pas sa pratique lorsqu’elle est uniquement motivée par le désespoir ou la colère. Ces émotions peuvent devenir des impulsions, mais elles nous consument et nous appauvrissent aussi...
Par contre, je crois profondément qu’on peut tirer du beau et l’offrir au monde, à partir des parts les plus sombres qu’on traverse.
Et donc, toi… Quel est ton rapport, ton histoire avec la créativité ?

Alchimie créative : du singulier au collectif
Combien de personnes se sentent mortes dans leur vie, et renaissent en créant ? Combien d’individus se sont convaincus que rêver n’est sans doute pas - ou plus - nécessaire, avant de se souvenir de leur enfant intérieur ? Combien d’entre nous se sont isolés, avant de se rappeler qu’un simple partage pouvait réenchanter leur monde ?
Quand je vois des (co-)créations, je retrouve du sens et de la confiance en l’humain. Je vois des ponts qui se tissent, des portes qui s’ouvrent, des chemins qui se dessinent… Le festival d’art de mon village, Arte Peazos, a amené l’art dans un coin où certains le pensaient reservé à une élite. Un proche a fait de son deuil un moteur créatif, en lançant sa gazette familiale. Une artiste de mon entourage répare les mémoires intergénérationnelles en collectant des témoignages et en réalisant des projets artistiques d’envergure avec les personnes âgés de zones rurales… Et des exemples comme ceux-ci, tu en as aussi sûrement plein, toi aussi !
J’y vois un lien commun, à tout cela : celui de réunir les gens, mais aussi les temporalités, les points, les narrations.... La création offre cette opportunité de raconter de nouvelles histoires. En regardant dans le rétroviseur, en plongeant dans le présent, en laissant un héritage à l’avenir.
Les créations, peu importe leurs formes, célèbrent aussi bien la vie que la mort, nos existences que nos disparitions à venir. La création est à la fois un instant, une étape… Une éternité… Un achèvement… C’est un point de croisement où s’alchimisent des extraits de nos expériences dans le temps, tout en forgeant de nouveaux possibles…
Héritage, trace, mémoire et disparition
Les couleurs et la lumière sont davantage éblouissantes quand elles rencontrent l’obscurité. En plus de se révéler et de se sublimer mutuellement comme les deux côtés d’une même pièce, l’une n’existe pas sans l’autre. En création, c’est pareil : ce qui prend vie dans la matière nécessite aussi que certaines choses meurent ou disparaissent. On fait des choix, on rature, on modifie, on camoufle, on brouille, on censure, on cache, on priorise, on recommence, on jette, on reformule…
Un jour, mon mari m’a dit : « Si tu as tant besoin de créer, c’est aussi parce que tu es effrayée par la mort ». Cette phrase peut te paraître choquant voire violente, mais elle m’a fait l’effet d’une prise de conscience. Il a raison. D’ailleurs, Albert Camus a écrit :
“Créer, c’est vivre deux fois”.
Il voulait sans doute exprimer que, en créant, on prend sa place et on laisse une trace. On devient, un instant peut-être, l’artiste de sa propre vie. Ce n’est pas rien et ça n’est pas anodin. Chaque jour qui passe, créer devient aussi un acte de célébration d’être, d’exister : apprendre, vibrer, contempler, exprimer, explorer, échanger… pleinement.
Catalyseurs d’énergie émotionnelle, nos créations nous aident à nous transcender, à nous (re)connaître et à nous rencontrer. Mais aussi, à enterrer et à dire adieu à certaines part de nous-même ou du monde. À témoigner de ce qui fut. À conserver des héritages anciens. Nos héritages. À aller de l’avant, en faisant pousser des graines de réflexions dans nos cerveaux parfois étriqués. Et quand je dis '“nous”, je parle en tant que système pluriel : nous en tant qu’individu holistique (esprit, corps, âme, cœur…), et nous en tant que groupement d’individus.
Mort lente par polarisation et flow fertile
Ce monde duel et tout en bichromie, polarisant et polarisé… m’étouffe.
Ce qui nous est sans cesse renvoyé, c’est ce monde où tout est soit blanc, soit noir. Soit bien, soit mal. Ce que j’aime, avec les âmes d’artistes, c’est que ces notions leurs sont incompréhensibles. Leur monde est généralement complexe, kaléïdoscopique, intense et fluctuant.
J’ai toujours aimé les nuances fragiles et subtiles, la mélancolie des jours gris, les films qui font verser des torrents de larmes mais qui apaisent quelque chose d’inconnu au fond de nous, la nostalgie des journées d’été infinies, les croyances magiques qui nous aident à espérer, les synchronicités et les signes qu’on s’amuse à souligner et raconter comme des histoires fantastiques, les émotions mêlées qui nous renvoient à notre propre complexité… Et puis cette étrange sensation à se reconnaître dans l’autre, ou à parfois avoir l’impression de se découvrir soi-même avec étonnement. L’expression créative (poésie, musique, cinéma, lecture, peinture, etc.) permet de traverser tout cela…
J’ai besoin de m’abreuver à la source des âmes qui nourrissent, goutte après goutte, le fleuve vivant de la création humaine. Sans profondeur et sans vertige, ce que justement m’offrent les créations humaines et toutes les conversations qui peuvent en découler, je me sens aride et infertile…
Alors oui, je suis humaine, mortelle, souvent cruellement peu inspirée et généralement je fuis vers l’avant, trébuche et laisse ma flamme intérieure vaciller ou me brûler. Mais j’ai envie de croire que nous sommes nombreux à avoir ce besoin de communiquer et d’exprimer ces feux crépitants. De nous reconnecter à nous-même. De nous retrouver en l’être inconnu. De nous apprivoiser.
Conclusion
Il me tenait à cœur de poser ces mots, et de te dire que si tu te demandes parfois :
“Quelles émotions cette œuvre / cette rencontre me procure ?”
“Pourquoi je crée cela ?”,
“Quel est le sens de partager ça ?”,
“À quoi bon créer, à quoi ça m’avancer ?”,
“À qui suis-je utile en faisant ça ?,
“Pourquoi le faire, puisque ça finira aux oubliettes ?”…
Tu es juste en train de nourrir un flow (un flot) créatif dont nous (les humains et le monde) avons besoin pour irriguer nos cœurs, nos esprits et nos connexions interpersonnelles.
L’important, ce n’est pas combien de personnes sont ou seront touchées par telle ou telle création.
Mais de s’autoriser à se laisser toucher émotionnellement. D’être touché.e en voyant sa propre création. De se percevoir plus vivant.e en voyant la création de quelqu’un d’autre. De sentir. De ressentir. D’être. De laisser mourir ce qui doit être abandonné. De ne pas accepter que la vacuité et le néant deviennent notre horizon. De nous permettre d’osciller entre les nuances de plusieurs polarités. D’incarner des électrons libres. D’oser parler de rien, de tout. De mort, de sens de l’existence, et de plein de thèmes philosophiques dont on tait encore trop les noms. De briser les tabous. D’être humain.e, furieusement et intensément, avec toutes les couleurs que cela peut revêtir et impliquer.
Pas pour vivre plus de jours dans une vie, et l’avoir bien remplie.
Mais pour vivre plus de vie dans chaque jour. C’est tout ce qui compte.
Je te remercie pour ton intérêt et ton soutien.
N’hésite pas à me suivre sur mes deux réseaux principaux entre chaque carte postale :
Et puis, si tu n’as pas encore lu mon premier livre, je t’invite à aller le découvrir ici, et si possible à le commander ou l’acheter directement chez ton libraire favori. C’est franchement la lecture idéale pour l’été 👙 : fun, légère mais ultra-documentée et pertinente, insolite 👇🏻
Enfin, si l’envie te dit de passer par l’Andalousie pour vivre un séjour plein de ressourcement, mon gîte accolé à mon espace-atelier, avec accès au rooftop vue mer et activités créatives à la carte est à retrouver ici :
Prends soin de toi et n’hésite pas à m’envoyer un petit message ! 🌞
Bien à toi,
Laetitia.
