Holà,
Je te retrouve pour une nouvelle carte postale qui parle d’un sujet pas évident, mais bien réel.
Il s’agit de l’importance de notre mémoire et de nos souvenirs.
C’est le fait de voir, une deuxième fois, une personne proche souffrir de la maladie d’Alzheimer qui me pousse à choisir ce sujet qui, de prime abord, semble assez grave et peu dans le thème solaire de l’été.
Mais cette carte postale, c’est aussi une façon de te partage les émotions du moment que je traverse, et toutes les réflexions par lesquelles je passe. Avec toujours, en toile de fond et comme fil conducteur : la créativité, évidemment…
Je te propose donc d’aborder ces thèmes autour de nos histoires et de ce qu’il en reste, en essayant de comprendre…
Comment la création peut nous libérer du fardeau de notre disparition, et faire son œuvre de mémoire ?
Je te rappelle que mon angle n’est jamais sombre ni pessimiste, et que tout ce que je te partage est voué à te faire du bien et t’aider à entamer une réflexion positive.
🌞 Alors, let’s go !👇🏻
La création comme écrin de nos mémoires ?
1. Les gens créatifs se créent leurs souvenirs !
Je souhaite d’abord mettre en avant que la créativité est une affaire de curiosité, d’adaptabilité, d’expérimentation, de désir profond, de persistance, d’enrichissement personnel…
Ceux et celles qui créent, de n’importe quelle forme que ce soit - artistiquement, ou pas - professionnellement, ou pas - ont tendance à avoir une vie plus riche.
Ils ont ce besoin intérieur plus intense et urgent de se nourrir du monde, des autres, de partages, d’expériences, de nuances et de nouveautés…
En d’autres termes, je suis convaincue que les personnes créatives ont une plus grande capacité à se forger des souvenirs, car elles ont ce feu en elles qui brûle et les implore de succomber à leurs élans de vie… à 100 %, et le plus longtemps possible.
Or, ne composons-nous pas la majorité de nos souvenirs les plus mémorables à travers la puissance et la richesse des épisodes de vie que nous traversons, ou que nous nous autorisons à traverser ?
2. Participer à une Mémoire Collective en créant
En créant, nous rentrons de façon dynamique dans la construction d’une Histoire Collective qui se joue et s’écrit au fil du temps. Nous ne nous contentons pas d’être spectateur, mais devenons alors acteur / artiste… en faisant.
Le fait de s’exprimer à travers sa propre voie créative (chant, dessin, peinture, cuisine, collage, musique, écriture, danse, entrepreneuriat, art oratoire, transmission pédagogique…) permet d’embrasser ce qui fait notre contexte, de nous l’approprier, de le questionner, de s’en soustraire, de rendre visible notre sensibilité singulière et notre regard porté sur le monde.
Il suffit de voir comment un événement politique ou un fait d’actualité embrase les créatifs et devient matière créative, où chacun a son mot à dire et sa façon de le faire.
Mises bout à bout, toutes ces créations deviennent des briques qui construisent les édifices de notre mémoire commune.
De façon unique et plurielle, sensible et nuancée… Les créations s’apparentent à des îles dans l’océan des années qui filent et dessinent ainsi une cartographie expressive de notre époque.
3. Puiser dans son vécu pour s’exprimer
Mais l’acte créatif ne s’arrête pas à la mémoire collective. Parce que créer, c’est aussi et avant tout une affaire personnelle et intime.
Nos épisodes de vie forgent le terreau fertile de l’inspiration la plus proche de nous : notre propre histoire.
De nombreuses personnes font de leurs drames des actes de résilience à travers l’expression créative. Elles surmontent ainsi une épreuve, comme un deuil ou des abus… En faisant, en créant, en s’exprimant.
Mais pas la peine d’avoir souffert pour venir piocher dans ses souvenirs, consciemment ou inconsciemment. La joie et l’insouciance aussi sont porteuses de création (et heureusement) !
Quoiqu’il en soit, remplir un carnet de poésie ou peindre régulièrement, monter son association ou lancer son projet business, sont de magnifiques façons de révéler des parts de notre personnalité qui se trouvaient dans l’ombre, ou de prendre conscience de certaines vérité en Soi à travers l’autorisation qu’on se donne à s’exprimer et à faire !
4. Traces du passé : la création comme témoin de notre évolution personnelle
Ce que je trouve aussi très intéressant dans le rapport création / mémoire, c’est le fait qu’une routine créative peut devenir un outil génial de connaissance de Soi.
Un peu comme un répertoire des années qui passent et qui nous façonnent au gré des expériences, chacune de nos créations devient une sorte de témoin de ce que nous sommes à un instant T.
Pour les individus qui ont eu l’habitude d’écrire des journaux intimes durant leur enfance et / ou leur adolescence, ou pour ceux qui aiment garder une trace de toutes leurs pensées dans de petits carnets ou sur un blog… Quel bonheur de s’y replonger, quelques mois ou années plus tard !
Créer régulièrement, c’est conserver une archéologie du Moi, et repartir parfois dans les abysses et les souterrains de son Soi d’avant, pour aller remettre en lumière des vérités qui nous étaient devenues étrangères.
Personnellement, je trouve cela fascinant de me retrouver face à mon moi du passé et d’avoir la sensation de rencontrer une inconnue… Mes anciennes créations me permettent de me rappeler qui j’étais.
5. Ce qu’il restera de moi… Une création en héritage
Évidemment, il existe une grande part d’égo dans l’acte créatif. Ce qui n’est pas un négatif, d’ailleurs !
En disparaissant, lorsqu’on a créé de son vivant, on laisse derrière soi des traces de notre personne.
Alors oui, il se peut que ceux qui restent ne comprennent pas notre sensibilité, n’apprécient pas nos réalisations, ou encore s’en désintéressent totalement…
Mais je trouve cela rassurant de se dire que, lorsqu’on n’est plus, une partie de nous - profonde et intime - persiste malgré tout.
Étant donné que je perçois l’acte créatif comme un élan vital qui nous traverse l’âme, j’aime à croire qu’il est fondamentalement et en essence… Authentique !
Ce serait donc l’un des héritages les plus purs, les plus singuliers et originaux que nous puissions livrer de nous.
Cette réflexion autour de la création et des souvenirs te parle ? Tu vois aussi la création comme une forme de trace qui marque la courbe du temps ?
N’hésite pas à me faire ton retour en répondant directement à ce mail ! Je serai ravie de te lire.
Une oeuvre qui résonne
Laisse-moi te parler aujourd’hui de Roman Opalka pour continuer cette réflexion sur la mémoire !
Il s’agit d’un artiste conceptuel qui a décidé de se lancer dans une longue série de tableaux peints entre 1965 et 2011.
OPALKA 1965/1 – ∞ Détail 1-35327 est le premier tableau de l’œuvre OPALKA 1965/1 – ∞. À son décès en 2011, il a peint en tout 233 Détails (toiles couvertes de nombres).
De 1 à 5 607 249, il a patiemment tracé de façon serrée et répétitive pendant plus de 40 ans, le temps qui passe.
Opalka a relaté :
« Je voulais manifester le temps, son changement dans la durée, celui que montre la nature, mais d’une manière propre à l’homme, sujet conscient de sa présence définie par la mort : émotion de la vie dans la durée irréversible. Le temps arbitraire des calendriers, des horloges ne m’intéresse pas. Il s’efface de lui-même par la répétition qui le définit, focalisation seule du présent. »
Pour explorer ce temps qui nous glisse entre les doigts de façon irrémédiable, Roman Opalka a ajouté d’autres dimensions spécifiques.
Tout d’abord, il a commencé à peindre son premier tableau Détail sur un fond noir, puis a ajouté graduellement un peu plus de blanc dans chaque fond. Il recommençait l’opération chaque fois qu’il achevait de couvrir une toile de numéros.
Ainsi, dans ses derniers tableaux, on retrouve presque du blanc sur du blanc, où les nombres se confondent avec le fond. Une sorte de mise en image d’une disparition progressive et irréversible…
De plus, Opalka a pris l’habitude, à la fin de chaque séance de travail sur Détail, de se prendre en photo sur fond blanc selon le même protocole. Cadrage serré, éclairage lumineux et régulier, fond blanc, chemise blanche… Au fil des années, nous sommes témoins de ses cheveux qui blanchissent et d’autres signes de vieillesse naissants.
Étrangement, les chiffres mis bout à bout forment un écho avec l’âge qui marque son visage. Le tout évoque la trace indélébile d’un présent sans cesse révolu.
Si l’apparence globale de cette “œuvre d’une vie” peut paraître aseptisée et froide au premier coup d’œil, il s’agit en fait d’un témoignage touchant du souvenir qu’on tente de retenir…
Une nourriture créative
Je t’invite à lire ce bouquin, que j’ai adoré. Il s’agit d’une reconstitution de l’histoire de Dora Maar, l’une des femmes de la vie de Picasso, à travers son carnet d’adresses.
Un portrait sensible et touchant, tout en nuances, à travers la recherche dans les souvenirs, les suppositions, l’imaginaire, les traces de l’Histoire et les témoignages…
Une sorte d’enquête minutieuse et patiente pour remonter le temps et gommer peu à peu le seul souvenir que nous pensions garder de Dora Maar : le portrait de la Femme qui pleure, peint par Picasso.
Car Dora est tellement plus qu’une simple épouse éperdument blessée par un amour de malheur et un regard enfermant…
Références : Brigitte Benkemoun, Je suis le carnet de Dora Maar, Le Livre de Poche, 2021.
Mes actus du moment
J’organise cet automne une nouvelle retraite créative, la Parenthèse Terra Mater. Il s’agit d’une semaine inspirante et ressourçante autour de l’élément Terre, avec un tas d’ateliers ludiques et d’activités passionnantes !
Cette Parenthèse unique et inoubliable se déroulera dans mon village blanc andalou, du 30/10 au 6/11/2024.
Un véritable laboratoire de partages et d’expérimentations créatives, mais aussi une joyeuse fabrique à souvenirs précieux ;-)
Si tu veux découvrir toutes les infos, rendez-vous ici.
Je te rappelle que, si tu ne l’as pas encore écouté, je suis passée sur le podcast Portrait Singulier, de Sandra Garnier.
Dans sa démarche, Sandra invite à chaque fois une personne à plonger dans sa mémoire afin d’en extraire un souvenir, et de laisser le fil dérouler…
Avec Sandra, c’est mon premier atelier “peinture au café” qui est ressorti lors de notre entretien… Alors que je n’avais aucune idée de ce dont j’allais parler ! À partir du moment où les images sont revenues à la surface, tout est devenu fluide…
Je t’invite à écouter cet épisode en cliquant sur l’image :
Et voilà ! J’espère que cette carte postale t’a permis d’ouvrir la porte sur de nouvelles réflexions, peut-être philosophiques… Autour de la mémoire et du rôle que peut y jouer la créativité !
Notre présent et notre santé sont si précieux ! Notre créativité permet tellement de nous exprimer et d’aller mieux, de nous sentir vivant, de tisser des liens et de trouver notre place et notre voix…
Je te souhaite de prendre soin de toi et de ta créativité cet été, et de faire le plein de doux souvenirs. 🌞
Laetitia.
PS : Tu peux retrouver toutes mes offres, ateliers, séjours sur laetitia-gillard.com !